HISTOIRE DE LA GUINÉE
7. La IIéme république
La dictature s’est effondrée brusquement en quelques jours après le décès de Sékou Touré, survenu le 16 mars 1984 lors d’un déplacement à l’étranger. La clique familiale est prise de vitesse dès le 3 avril à l’aube. Un Comité militaire de redressement national (C.M.R.N.) de dix-huit membres installe un gouvernement dirigé par le colonel Diarra Traoré sous la présidence d’un nouveau chef d’État, le colonel Lansana Conté, qui proclame : " L’ancien régime est mort." L’ère de la IIe République commence. Quelques communiqués et proclamations suffisent pour jeter bas la " République populaire et révolutionnaire " : suspension de la Constitution, dissolution des organismes du parti-État et de l’Assemblée nationale, interdiction des organisations de masses, nomination de militaires à tous les postes importants. Aucune résistance ne s’est manifestée pendant que l’enthousiasme et la liesse éclatent dans le pays. Comme en septembre 1958, les événements de Guinée suscitent une attention passionnée sur la scène internationale tandis que les exilés (1 500 000 ?) frémissent d’espoir. Par ses objectifs, le coup d’État évoque peu de précédents. Le C.M.R.N. fait le serment solennel de " respecter les droits de l’homme ", de faire en sorte que " nul ne soit plus jamais inquiété du fait de ses idées ", d’assurer à tous " individuellement et collectivement " la sécurité des personnes et des biens, de redresser l’économie " délabrée ". Désormais, il s’agit de " créer les bases d’une démocratie véritable, évitant à l’avenir toute dictature personnelle ". Dans tous les domaines des mesures hautement significatives sont prises. Sur le plan politique : libération de trois cents détenus politiques et relaxe des détenus de droit commun, emprisonnement d’une soixantaine d’ex-dirigeants. Une commission ad hoc est créée pour étudier les dossiers des innombrables victimes et martyrs. La libre circulation des personnes et des biens est rétablie. Sur le plan social, c’est la suppression systématique de tout enseignement idéologique et le renforcement de l’enseignement du français, l’autorisation des écoles privées, la suppression de l’impôt en nature, le libre exercice de la médecine privée... Ainsi, tout est à refaire, car on prend conscience d’être vingt-six ans en retard, si ce n’est plus.
Reconstitution Ă©conomique
Sur le plan économique, un tête-à -queue complet sous l’égide et le contrôle tant du Fonds monétaire international que de la Banque mondiale et avec l’assistance du P.N.U.D. est amorcé. Un " programme intérimaire de redressement national " (1985-1987) est mis au point. Des remèdes drastiques sont proposés pour changer fondamentalement l’économie sous le signe de la libre entreprise : dévaluation et recréation du secteur bancaire, privatisation ou liquidation des entreprises nationales (à quelques exceptions près), libération des échanges et liberté des prix, dégonflement d’une fonction publique pléthorique et inefficace (effectifs à ramener de 88 000 à 50 000). Mais, devant l’ampleur de la tâche, le nouveau chef d’État, qui fait son apprentissage, entend procéder avec " lenteur et une extrême prudence ", au risque de mécontenter certains. Les réformes de structures ne sont lancées qu’en 1986. À l’exception de la Banque centrale, les six banques guinéennes, insolvables avec des actifs et sans liquidités, sont remplacées par des banques françaises en décembre 1985, tandis que le syli est dévalué de 92,5 p. 100 et remplacé par le franc guinéen en janvier 1986. Un désengagement de l’État se fait par la suppression d’entreprises nationales. Enfin, en 1987, les modalités d’une profonde refonte de la fonction publique sont adoptées qui prévoient, entre autres mesures, un programme de départs volontaires, des tests d’évaluation-sélection pour tous les fonctionnaires, des primes de technicité pour ceux qui sont reconnus compétents, l’application des normes régissant les retraites... L’élaboration et le démarrage d’un tel programme impliquaient impérativement, car les caisses de l’État étaient " vides ", de recourir à d’importants concours extérieurs, d’autant plus que les investissements publics devraient, en outre, être financés à plus de 80 p. 100 par l’extérieur. Ils ne font pas défaut.