HISTOIRE DE LA GUINÉE
1 - Émergence dans l’histoire
Dans le cadre géographique actuel, l’histoire de la Guinée ne commence qu’avec le XXe siècle puisque les frontières furent délimitées entre 1895 et 1911 par les puissances coloniales d’alors : France, Grande-Bretagne, Allemagne, Portugal. Mais les racines de ses peuples plongent évidemment beaucoup plus profondément. Chacun a son histoire. Ils constituent autant de fragments historiques, autant de passés encore fort mal connus. Leur ensemble est le patrimoine complexe de la Guinée actuelle.
Fragments d'histoire
On peut remonter jusqu’au IXe, voire au VIIe siècle avec les Baga, les Nalou et les Landouman. Premiers autochtones ? Vinrent cohabiter avec eux, au XIe siècle sans doute, les Jalonké, d’origine mande. Leur nom devint celui d’une région de Guinée, le Fouta-Djalon. Cette partie du pays connut de nombreuses migrations au fil des siècles. Des Peuls animistes s’infiltrèrent par petits groupes. Puis se produisirent les grandes vagues des Peuls et Mandingues aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles en provenance du Fouta-Toro au Sénégal et du Macina au Mali. Avec eux ils apportent leurs coutumes, leurs cultures et surtout une religion, l’islam. Une partie des anciens occupants se vit refouler le long de la côte, en Guinée maritime. Avec les autres s’instaure une coexistence difficile jusqu’à ce que les musulmans déclenchent finalement en 1727 la " guerre sainte ". Vainqueurs, ils ne laissèrent d’autre choix aux vaincus que " la conversion, l’exil ou la servitude ". Traditions orales et écrits arabes permettent de saisir quelques grands moments et de brosser à larges traits des pans d’histoire. Au IXe siècle, dans les régions du haut Sénégal et du haut Niger, s’établit un royaume mandingue, vassal de l’empire de Ghana. Ce dernier s’étendit de l’Atlantique jusqu’au fleuve Niger et ne se disloqua définitivement qu’au XIe siècle après avoir connu jours de gloire et heures de détresse. Il hante encore la mémoire collective des peuples de l’Ouest africain, au point que l’un des nouveaux États s’en est approprié indûment le nom en 1957 : la Gold Coast est devenue le Ghana. Deux siècles plus tard, avec Niani pour capitale (Niani n’est plus maintenant qu’un petit village guinéen), un immense empire se forme avec Soundiata (1230-1255). Sous le nom d’empire du Mali, il atteint son apogée au XIVe siècle, de la région nord de la Guinée jusqu’à Tombouctou. Des pays vassaux gravitaient autour de lui, depuis les régions du Sénégal et de la Gambie jusqu’à Gao sur le Niger. Au XVe siècle, le déclin commence, des vassaux s’affranchissent, dont un chef du Fouta-Djalon, Koli Tenguela. Avec lui s’ouvre l’ère des Peuls musulmans. Les Peuls font désormais l’histoire au Fouta-Djalon en s’isolant relativement des autres régions de Guinée, pendant toute la période des XVIIIe et XIXe siècles. Ils vont y créer, selon T. Diallo, une sorte de " régime théocratique de type féodal fondé idéologiquement sur une religion, l’islam, mais économiquement sur l’exploitation d’un esclavage familial ". Les deux grands fondateurs en sont Karamoko Alpha, de 1725 à 1750, puis son cousin et successeur, Ibrahima Sori, de 1751 à 1784. Ce dernier porte le titre prestigieux d’almami . Des institutions politiques originales surgissent. Ainsi, pour mettre fin à des rivalités, le Conseil des anciens instaure, à la mort d’Ibrahima Sori, un bicéphalisme d’alternance. Deux almami, l’un descendant de Karamoko Alpha et l’autre d’Ibrahima Sori, sont désignés comme détenteurs du pouvoir. Mais ils ne l’exercent qu’en alternance par périodes de deux ans. Un tel système fonctionne jusqu’en 1896, date où des rivalités tragiques entre les deux familles facilitent alors la conquête française. La page suivante de l’histoire est écrite en haute Guinée, par Samori Touré de 1870 à 1898 avec les Malinké. Samori Touré incarne, selon Y. Person, une révolution dyula en organisant un empire " chez des Malinké qui avaient renoncé depuis plus de trois siècles à toute organisation politique centralisée ". Véritable homme d’État, il se dote d’un instrument essentiel en créant une armée permanente de type moderne. Celle-ci est même capable un jour de fabriquer des fusils à tir rapide. Il organise, autour de sa personne, un appareil gouvernemental efficace et met en place toute une structure territoriale. Bissandougou, près de Kankan, devient sa capitale et il fait reconnaître son autorité sur toute la haute Guinée et le sud de l’actuel Mali. Toutefois, il se heurte très vite aux visées coloniales françaises, qui réussiront finalement à provoquer sa chute en 1898. La lutte contre l’envahisseur blanc se trouve ensuite assumée par les peuples de la forêt, en Guinée forestière, jusqu’alors demeurés assez isolés de leurs voisins du Nord-Ouest. Dans chacune des régions de l’actuelle Guinée vivent ainsi des peuples aux histoires parallèles qui furent agglomérés au sein d’une nouvelle entité par la mise en place du système colonial. Après l’indépendance, le recours aux héros (Samori Touré, Alpha Yaya) pour forger une conscience nationale dut tenir compte des résonances différentes soulevées dans les régions.