HISTOIRE DE LA GUINÉE - Aggravation du sous développement
Etatisation et plan de développement
Le régime de Sékou Touré procéda progressivement à une étatisation quasi complète de l’économie dont tous les secteurs relevèrent peu ou prou de l’État, soit sous la forme d’entreprises nationales (170 en 1984) et de sociétés mixtes (une trentaine), soit sous son contrôle indirect (plusieurs centaines d’entreprises privées de petite taille). Les premières assuraient de 25 à 30 p. 100 du produit intérieur brut et employaient plus de 70 p. 100 de la main-d’œuvre salariée. En revanche, les sociétés mixtes, dont le gouvernement détient environ 50 p. 100 du capital, jouaient un rôle capital, encore accru par la politique d’ouverture pratiquée depuis 1975. Quant à la place des entreprises privées, elle était devenue très vite assez marginale (quelques milliers d’emplois). Elle retint à nouveau l’attention du gouvernement avec l’adoption d’un nouveau Code des investissements en 1977 ou l’organisation, en 1981, d’un ministère des Petites et Moyennes Entreprises et, surtout, avec les mesures de dénationalisation du commerce prises à partir de 1979. La Guinée avait ainsi mis en place un système économique dont, à l’époque, on ne trouvait guère d’équivalent en Afrique mais dont l’évolution le différenciait nettement des modèles socialistes (la " voie non capitaliste "). La planification, qui était censée le régir, et malgré ses prétentions, ne constituait qu’un catalogue de projets au financement hypothétique, au grand dam des experts socialistes. Ainsi le IIIe plan (1973-1978), qui prévoyait un investissement total de 59 milliards de sylis, fut ramené à 36 milliards et ses réalisations ne s’élevèrent qu’à 13 milliards. De même, la répartition des dépenses par secteurs ne correspondit guère aux priorités fixées ; les coûts réels et la rentabilité des opérations ou furent mal évalués ou ne le furent pas. Trois plans furent, après prolongation, formellement réalisés (tabl. 1) ; un quatrième (1981-1985) sera abandonné à la mort de Sékou Touré. De tous les secteurs, celui de l’agriculture fut le moins favorisé. Il n’est pas surprenant que l’autosuffisance alimentaire, un des objectifs du IIIe plan, soit demeurée hors d’atteinte. Les infrastructures, les industries et les mines se sont taillé la part du lion dans les investissements. Pourtant, les infrastructures en restèrent à un stade rudimentaire (délabrement des bâtiments publics, détérioration des réseaux ferré et routier...) malgré des réalisations de prestige comme le palais du Peuple et celui des Nations, ou encore Air Guinée. C’est durant le Ier plan que furent posés les fondements du système économique, l’objectif étant d’opérer la décolonisation et de mettre en place des structures socialistes : nationalisation des banques, création d’une monnaie nationale inconvertible, monopolisation étatique du commerce, sortie de la zone franc. Une industrialisation légère et une extension du secteur minier furent les objectifs principaux du IIe plan : tabac et allumettes, etc. Finalement, l’économie guinéenne demeure de type primaire tant par la prédominance de l’extraction minière et de l’agriculture que par l’ampleur du secteur tertiaire (commerce et services). Le secteur manufacturier ne contribue que très peu au produit national : 2 p. 100 en 1985, l’un des plus faibles pourcentages du monde. Bref, il s’agit pour l’essentiel d’une économie peu développée et fortement extravertie (" économie minière d’enclave ", selon les termes de S. Amin).